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ACTUALITES -- SEPTEMBRE 2000 -- N° 643

Naufrage d'un sous-marin russe

Le sauvetage impossible

Après la tragédie du « Koursk » perdu par 100 mètres de fond dans la mer de Barents, les experts rompent le silence. « Sciences et Avenir » reprend point par point les questions posées par ce drame.

Dimanche 13 août 2000. Le sous-marin nucléaire russe Koursk s'abîme au large de Mourmansk avec 116 hommes à bord. L'impuissance des sauveteurs soulève interrogations et polémiques sur la technologie ultrasophistiquée des submersibles. Réserves d'oxygène, maintien des communications, techniques d'évacuation, engins de sauvetage... Avec les meilleurs experts, Frank Jubelin, spécialiste de la Défense nationale et de la marine, fait le point sur les systèmes de sécurité à bord des sous-marins.

Le problème crucial à bord du Koursk fut le manque d'oxygène. Comment fonctionne l'alimentation en air d'un sous-marin ?

Pour produire de l'oxygène, on réalise une simple électrolyse de l'eau de mer, qui consiste à séparer cette eau (H2O) en oxygène (O2) et hydrogène (H). Ce dernier gaz, inutile, est ensuite rejeté à l'extérieur. En temps normal, l'opération ne pose pas de problème, car les sous-marins disposent d'une énergie illimitée grâce aux réacteurs nucléaires. Or, après l'accident, la première procédure d'urgence a été de stopper le réacteur nucléaire, donc la fourniture en électricité. D'après les Russes, il restait alors aux marins une seule semaine de réserve.

La purification de l'air (essentiellement l'absorption du CO2) se fait quant à elle à l'aide de tamis moléculaires. Il s'agit de grandes « bouteilles » remplies de billes microperforées. Le diamètre des pores est calibré pour retenir les molécules de CO2 . Quand un filtre est saturé, on branche le circuit de ventilation sur une autre « bouteille ». Pour le nettoyer, il suffit de le chauffer : les microporosités se dilatent sous l'effet de la chaleur et laissent échapper les molécules qui sont alors rejetées dans l'eau.

Quels sont les systèmes de secours dont disposent les sous-marins ?

Ce sont essentiellement ce qu'on appelle les « chandelles à oxygène ». Il s'agit de boîtiers contenant des blocs de produits chimiques qui dégagent de l'oxygène au cours d'une réaction exothermique, déclenchée par la mise en présence mécanique de deux composés. Selon les différentes marines, plusieurs procédés sont utilisés, avec des rendements à peu près similaires. Quant à l'absorption du CO2, elle se fait de manière traditionnelle par des granulés de chaux sodée qui sont conservés dans des gamelles.

Existe-t-il des prises d'air qui permettent d'alimenter les submersibles depuis l'extérieur ?

Différents taps (opercules ouvrables de l'extérieur) sont intégrés au pont du bâtiment : ils permettent de brancher une alimentation en air frais depuis la surface, ou à partir d'un autre sous-marin posé à proximité. Les sauveteurs peuvent même envisager de perforer la coque à des emplacements précis qui ne seraient pas en communication directe avec la partie « vie », et de placer une vanne d'alimentation depuis l'extérieur. Dans le cas du Koursk, l'intervention depuis la surface était très délicate en raison des conditions météo (mer démontée, vent fort...). L'alimentation à partir d'un autre submersible semblait préférable, mais présentait deux difficultés majeures. D'abord, le sous-marin était incliné à 60¡, ce qui complique l'ancrage d'un engin extérieur de sauvetage. Ensuite l'existence de forts courants aurait gêné les plongeurs chargés de « clamper » les tuyaux d'alimentation. Au-delà d'un noeud et demi, un homme ne peut pas traîner sous l'eau des tuyaux présentant une forte prise au courant. Il s'agit d'un véritable chantier sous-marin, demandant une phase de préparation et de mise en place de procédures, un peu à l'image de ce qui a été fait sur l'Erika.

L'utilisation de submersibles filoguidés offre une autre possibilité : les Norvégiens, les plus proches voisins des Russes dans cette région, sont leaders mondiaux pour ces robots, baptisés Rov (Remote Operator Vehicle) et guidés par câble depuis la surface. Des engins puissants, pesant plusieurs tonnes, et capables de lutter, dans une certaine mesure, contre le courant : ils peuvent percer la coque d'un sous-marin pour placer automatiquement une vanne, raccordée ensuite à la surface. Ce fut d'ailleurs l'une des hypothèses envisagées pour le pompage de l'Erika. Mais cette solution nécessite l'emploi d'un navire-support de surface doté d'un positionnement dynamique qui lui permet de rester à l'aplomb du sous-marin jusqu'à mer force 6-7 (grand vent, entre 40 et 50 km/h). De tels bâtiments ont un emploi du temps chargé, car ils coûtent cher, et demandent la mobilisation d'un ensemble de moyens techniques. La France aurait pu demander aux navires mobilisés par Total sur l'Erika de porter secours au navire russe : c'était sans doute l'équipe d'intervention sous-marine la mieux préparée à la date du 15 août 2000. Mais pour cela, compte tenu des temps de transit, et en admettant que la chaîne de décision ait été rapide côté français, il aurait fallu que la Russie sollicite cette aide immédiatement.

Le manque de communication avec l'équipage n'a pas facilité le travail des sauveteurs...

Les moyens de communication sous la mer sont de l'ordre de la transmission acoustique et dépendent, comme l'oxygène, de l'approvisionnement en énergie électrique. Il n'existe effectivement pas de radio fonctionnant sous l'eau.

Les sous-marins disposent pourtant de systèmes d'écoute ultrasensibles, capables de détecter le moindre bruit. N'était-il pas possible d'entendre les marins du Koursk ?

Il ne faut pas confondre l'écoute du bruit qu'émet un navire avec le fait de pouvoir entendre une conversation comme au coin d'un bar. La discrétion acoustique repose sur l'absence de tous bruits non naturels : à cet égard, la nouvelle génération de sous-marins nucléaires lanceurs d'engins français, du type Le Triomphant, sont réputés plus silencieux que le « bruit de fond » de la mer, c'est-à-dire l'ensemble du bruit émis par les poissons, les coquillages, la houle ou le crissement des grains de sable !

Ecouter les bruits émis à bord du sous-marin naufragé n'est donc pas un problème en soi, mais discerner des paroles est autrement difficile. La possibilité de descendre un micro à portée du sous-marin depuis la surface reste tributaire du temps, et surtout des courants qui règnent au fond, et sur le trajet entre le fond et la surface ! Réaliser une écoute à partir d'un Rov serait possible à condition, là encore, de disposer de moyens techniques, c'est-à-dire d'un bateau à positionnement dynamique et d'un robot capable de lutter contre le courant. En tout état de cause, établir une communication dès lors que le sous-marin ne dispose pas d'une source d'énergie suffisante n'est pas chose aisée. A part le morse...

Le morse ?

La communication en morse, en frappant sur la coque, est en effet efficace car l'eau est un excellent conducteur. Encore faut-il pouvoir discerner les messages, ce qui n'est pas facile depuis la surface dans les conditions de temps exécrables qui ont entouré l'accident.

Là encore, la bonne procédure est de poser un autre submersible à côté du sous-marin accidenté, afin de communiquer à proximité. Il est tout à fait plausible que cette solution ait été employée par les Russes.

Dommage qu'on ait supprimé le morse en France...

Il n'a pas été supprimé. En fait, ce sont les stations émettant en morse et tombées en désuétude qui ont été fermées. Cela ne concerne pas la Marine nationale, où la transmission par des signaux lumineux en morse à la mer reste une pratique courante, lorsque qu'on veut garder un silence radio par discrétion.

On a prétendu que le naufrage du Koursk était dû à l'explosion d'une torpille durant un exercice. Pourquoi le sous-marin n'aurait-il pas alors été entièrement détruit ?

D'abord, l'hypothèse reste à vérifier. L'explosion consécutive au lancement d'une torpille est peu vraisemblable dans le cadre d'un grand exercice combiné avec différents navires.

Ensuite, il s'agit d'un bâtiment solide ! Les sous-marins de la classe « Oscar » sont les plus perfectionnés de la Marine russe et disposent d'une double coque, une technologie très moderne. Il ne faut pas s'y tromper : les Soviétiques ont légué à la Marine russe des sous-marins performants. La conquête de l'espace a peut-être vu ses budgets se réduire au fil du déclin économique de l'URSS. Mais les submersibles sont restés l'âme de la guerre froide. On a parlé, à une époque, de sous-marins soviétiques dotés d'une coque en titane, capables d'avancer à soixante-dix noeuds sous l'océan !

D'une manière générale, les navires de guerre sont de mieux en mieux construits et disposent de compartiments étanches qui empêchent une destruction totale instantanée. Le seul coup au but qui reste irrémédiable survient lorsqu'une soute à munitions est atteinte. Dans le cas qui nous occupe, la destruction annoncée de cinq compartiments sur neuf correspond à une désintégration très importante.

N'y a-t-il pas des systèmes de sécurité anti-explosion ?

Il existe des dispositifs pour stocker les munitions de manière à ce qu'elles soient naturellement inertes (on dit qu'on les « muriatise »), mais il subsiste toujours une phase dangereuse lorsqu'on « arme » un missile ou une torpille, c'est-à-dire lorsqu'on met l'engin en position de tir réel.

Certains ont aussi évoqué l'explosion d'une mine datant de la Seconde Guerre mondiale...

Il existe encore plusieurs millions de mines de cette époque dans la zone. De même, au large des côtes du Viêt Nam, les mines américaines se comptent par millions et provoquent, étant récentes, de nombreux accidents. Chaque année, les plongeurs démineurs du 1er GPD de la Marine nationale à Cherbourg interviennent pour neutraliser des dizaines d'engins explosifs.

Cependant, en mer de Barents, les accidents sont rares car les dispositifs qui permettent de déclencher les explosions ont une durée de vie inférieure à celle de la mine elle-même. De plus, la probabilité que le Koursk ait rencontré une mine est faible : la zone du naufrage, située face au port de Mourmansk et extrêmement fréquentée par les Russes, a sans doute été largement « nettoyée ».

Dernière hypothèse, celle d'une collision avec un autre sous-marin... Comment est-ce possible avec les moyens de détection sophistiqués des submersibles ?

Ces moyens sont par nature acoustiques : ils ne permettent d'entendre des bruits que lorsque ceux-ci existent ! Or ces sous-marins sont les rois de la discrétion, et l'accident (dont la nature restera vraisemblablement longtemps secrète) s'est produit lors d'un exercice où les bâtiments devaient être en phase de silence maximal. Aussi, la possibilité que deux sous-marins se soient télescopés reste l'hypothèse la plus plausible. Cela s'est d'ailleurs déjà produit dans les principales marines occidentales. Il est cependant curieux, dans le cas présent, que l'on ne parle pas d'avaries sur un autre submersible...

Une autre hypothèse, pas encore évoquée, serait que le sous-marin ait été atteint par une torpille lancée par un autre bâtiment russe lors de l'exercice. Cela expliquerait les avaries sur un seul navire. Et il n'est pas impossible que, dans le cadre de grandes manoeuvres voulues précipitamment par le président Poutine pour affirmer le statut retrouvé de grande puissance militaire de la Russie, une erreur tragique se soit produite au sein d'une marine, certes ambitieuse, mais à bout de potentiel technologique, faute d'entretien.

En cas d'accident, un plongeur peut-il quitter un sous-marin ?

Il n'y a pas a priori de bouteilles de plongée embarquées, en tout cas pas en nombre suffisant pour un équipage. Ce n'est pas le genre de bibelots qu'on transporte dans un navire où chaque recoin est rentabilisé !

Reste la possibilité, théorique, de sortir en apnée dès lors que la profondeur n'est pas trop importante (disons 50 mètres au maximum). Et à condition que la personne dispose d'un moyen pour assurer sa flottabilité, lui évitant d'avoir à « nager » vers la surface. La seule condition à respecter lors de la remontée est de ne pas bloquer sa respiration, afin de laisser échapper l'air des poumons s'il est à une pression supérieure à celle de la surface. Mais normalement, l'air ambiant dans un sous-marin est d'environ un bar (comme en surface). Pour les mêmes raisons, la notion de paliers n'existe pas, car la personne évacuée respire de l'air à la pression atmosphérique dans le submersible, son corps n'est donc pas en état de saturation. Cependant, sortir dans de l'eau glacée par cent mètres de profondeur avec une visibilité nulle et des courants violents est un exercice quasi impossible, même pour un champion d'apnée (ceux-ci tentent généralement leurs performances dans les eaux chaudes et limpides). De plus, le corps subit une pression brutale d'environ 10 bars qui endommage les parties « creuses » (tympans, sinus, poumons...).

Existe-t-il des combinaisons spéciales pour ce type d'évacuation ?

Les combinaisons sont des tenues intégrales individuelles dotées d'une capuche hermétique et d'une cartouche d'air comprimé suffisante pour assurer une remontée. Les équipements utilisés par l'Otan sont homologués jusqu'à 180 mètres de profondeur. Ce système d'évacuation a été mis au point par sir Davis dans les années 30 pour les submersibles anglais, et perfectionné par les Allemands durant la Seconde Guerre mondiale. Il donne lieu à un exercice obligatoire pour tous les sous-mariniers (lire l'encadré p. 32).

Quels sont les autres moyens de secours en dehors de l'évacuation individuelle ?

La cloche à plongeurs ou le petit submersible de secours. Le principe est le même dans les deux cas : aller clamper le sas d'un engin de secours sur le sas du sous-marin en difficulté. Lorsque l'étanchéité est assurée, l'ouverture des portes extérieures des deux sas permet de faire passer du personnel à bord de l'engin de secours. La cloche à plongeurs peut évacuer 6 à 8 personnes tandis que le submersible autorise une évacuation double ou triple.

Est-il possible de renflouer un sous-marin, avec des ballons par exemple?

Espérer faire remonter un sous-marin de 14 000 tonnes avec des ballons est à peu près aussi réaliste que de faire décoller la tour Eiffel avec des pétards. Sans compter l'effet de succion que peut exercer le fond de la mer à cet endroit s'il est vaseux...

La mer de Barents est-elle encore zone stratégique ?

Il n'y a plus tellement de sous-marins dans cette zone aujourd'hui, en dehors des Russes, dont le port principal est Mourmansk. En revanche, au début de la politique de dissuasion, elle était très fréquentée (notamment par les premiers SNLE français, pour lesquels cette région était une zone de patrouille prioritaire) car il s'agissait de la zone en eau libre la plus proche de Moscou. Comme la portée des missiles était, alors, relativement faible, il fallait s'approcher des centres militaires ou de décision soviétiques. Rappelons que la politique de dissuasion voulue par le général de Gaulle n'est devenue techniquement effective que sous la présidence de François Mitterrand.



Frank Jubelin

Profondeur de plongée : un secret stratégique

La profondeur maximum de plongée des sous-marins est une donnée strictement confidentielle : plus de 500 mètres pour les SNLE-NG français, sans doute mieux pour certains submersibles russes et américains. Cette information est stratégique, car descendre le plus bas possible représente la meilleure garantie contre une éventuelle détection. Les océans sont en effet parcourus de courants de profondeur qui créent des distorsions dans la propagation acoustique, ou par des effets de réflexion qui permettent de « s'isoler » et de rester incognito, donc maître de sa frappe « ultime ».

Une remontée à 20 mètres/seconde


Erwan Amice / Photo CEAN

Un homme peut sortir d'un sous-marin à la nage. Cette opération de la dernière chance, tous les sous-mariniers s'y entraînent obligatoirement. En France, l'exercice « grandeur nature » baptisé « Excapex » est organisé chaque année au large de Brest, à partir d'un sous-marin posé entre 20 et 30 m de fond. Dans toutes les Marines nationales, la procédure est la même. La sortie se fait par un sas composé de deux portes séparées d'environ 2 m. Le sous-marinier revêt une combinaison de survie, sans la fermer, puis entre dans le sas qui ne peut accueillir qu'une seule personne à la fois. La combinaison joue un triple rôle : permettre la respiration, faire office d'ascenseur automatique grâce à l'énorme flottabilité créée et servir de combinaison de survie en surface.

L'homme entre dans le sas, ferme la porte étanche et introduit l'eau en ouvrant les vannes. Il ferme alors sa combinaison et attend que l'eau inonde le compartiment. Entre l'intérieur et l'extérieur, les pressions s'égalisent, la porte de sortie, jusque-là plaquée par la pression, s'ouvre facilement. L'homme s'accroche fermement et percute une cartouche d'air comprimée qui gonfle sa combinaison. Il n'a plus qu'à lâcher prise et se laisser remonter à 20 m/s. Arrivé en surface il attend les secours, en évitant d'ouvrir sa cagoule tant qu'il lui reste de l'air, pour ne pas « noyer » sa combinaison. L'exercice, éprouvant, pratiqué par les sous-mariniers de toutes nationalités, a très peu servi en réalité, même lors de la dernière guerre où plus de 700 U-Boot ont été coulés.




 

Sciences & Avenir N°643


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Dixit Laurent Laplante
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Québec, le 28 août 2000
Réflexions sur un sous-marin

Je ne jouerai pas à l'expert en rescapage de sous-mariniers.  Je n'ai rien des compétences que requerrait l'exercice et je suis certain, en plus, qu'une bonne partie des informations pertinentes ont été dissimulées au grand public et peut-être même délibérément détruites.  Qu'il soit quand même permis de réfléchir à ce que pèsent les vies humaines dans certains calculs et aux divers cynismes qu'engendrent la raison d'État, le persistant militarisme et la rectitude politique.

La mort par lente et inexorable asphyxie a quelque chose qui m'émeut et me terrifie.  Autant me répugne l'idée d'agoniser pendant des mois ou des années dans un fauteuil roulant ou sur un grabat offert par l'équité sociale, autant me bouleverse celle d'attendre dans le noir, le silence et les cadavres autour de soi que le dernier de mes râles m'arrache les poumons.  Tant mieux donc si les sous-mariniers de la mer de Barents ont pu mourir d'une noyade brutale et rapide plutôt que d'une interminable asphyxie.

Sans que je puisse, à ce stade-ci, formuler la moindre certitude, je redoute que ces vies aient été cyniquement immolées sur l'autel de la raison d'État.  Il ne fallait pas, d'un point de vue militaire, qu'on en sache trop sur les caractéristiques techniques du sous-marin.  Il ne fallait pas que soit connue la raison des manoeuvres effectuées par le submersible.  Comme il ne fallait pas que s'ébruite et s'accrédite la rumeur au sujet de la dégradation des équipements russes et, pire encore, de la qualité du commandement.  Que pèsent quelques vies quand la stupide partie de poker exige que persistent les rapports de force réels ou fictifs?  Même en berne, un drapeau en réclame parfois trop.  C'est le cas du drapeau russe.

Moscou n'est cependant pas seule en cause quand le secret militaire et la raison d'État prélèvent leur tribut.  Pour que l'hypothèse d'un heurt entre le submersible russe et d'autres sous-marins ait résisté aussi longtemps aux dénégations, il faut, en tout cas, que d'autres pays, USA et Grande-Bretagne au premier chef, mais peut-être pas eux seulement, aient jugé bon de ne rien dire des activités de leurs propres sous-marins dans la région.  Ce n'est pas le secret russe qu'il faut blâmer, mais le secret.  Ce secret qu'aucune raison d'État ne peut justifier, pas plus à propos du Rainbow Warrior qu'à propos du rôle belge au Rwanda, des lâchetés européennes dans les Balkans ou de la gabegie onusienne dix fois constatée.  Ce que les glorieux journalistes du journal Le Monde dénomment « secret-défense » avec une sorte d'instinctive et inavouable déférence, n'est, à propos du sous-marin soviétique comme à propos des frégates françaises vendues à Taïwan, que l'alibi nauséabond des truands.  Même si certains truands portent veston et arborent titres et décorations.

On fait grief à Poutine de n'avoir pas interrompu ses vacances pour rentrer d'urgence à Moscou.  On peut se demander pourquoi.  Que le président Clinton survole ou pas les forêts incandescentes de l'Ouest américain, cela ne change strictement rien, sinon pour une télévision toujours en mal d'images et de vedettes.  Que Lucien Bouchard regrette quotidiennement devant les caméras les dégâts d'un verglas sans exemple, qu'est-ce que cela change aux certitudes d'une Hydro-Québec qui a profité du drame pour se soustraire aux règles de la transparence et d'une vraie compassion?  Qu'un chef d'État complaise au besoin d'images de la télévision et à une rectitude politique qui fait semblant de croire que seul l'oeil du chef d'État peut mesurer correctement l'ampleur d'une catastrophe, cela relève de l'hypocrisie.  Que les médias présentent cette hypocrisie comme l'attitude à adopter ne la rend pas moins répugnante.  Du comportement de Poutine, concluons surtout qu'il est encore trop contaminé par son KGB d'origine et trop novice dans la manipulation médiatique pour savoir qu'être filmé par la télévision à proximité d'un drame importe plus que de rendre le drame à jamais impossible.

Je suis également mystifié et attristé par le fait qu'en cette époque qui se gargarise de mondialisation et de standards ISO poussés jusqu'au 14014, les pays n'aient pas encore rendu compatibles les uns avec les autres les arrimages physiques que requiert la sécurité des humains.  Que le sas soviétique d'un sous-marin ne puisse s'accoupler à un sas britannique ou norvégien, alors qu'on a forcé IBM et Apple à pratiquer un patois presque commun, voilà qui témoigne d'une belle myopie militaire et d'un mépris généralisé pour la vie humaine.  Pendant que des navettes spatiales et des stations orbitales se soudent dans l'espace, cent mètres empêchent des technologies payées à coups de milliards de s'entendre et de sauver des vies.  Voilà qui révèle d'assez étranges échelles de valeurs.

Ce n'est pas relativiser un drame que rien ne doit miniaturiser que d'évoquer, face à l'effroyable, que bien des pays, y compris le nôtre, ont longtemps et souvent assisté à des agonies comparables et qu'ils le font encore.  Combien d'asphyxies mortelles a coûté l'exploitation minière au Cap-Breton et ailleurs?  Entre les mineurs qui crèvent dans des mines dont on connaît les vices d'exploitation et les sous-mariniers russes lancés dans des missions impossibles et inhumaines, où est la différence?  Combien d'autochtones ont été sacrifiés et sont morts de faim parce que des fonctionnaires canadiens les avaient déplacés au mauvais endroit pour que des territoires nordiques dont chacun se moque aient l'air d'être occupés par le Canada?

Le secret, le cynisme, la raison d'État ne sont pas une exclusivité russe.




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© Laurent Laplante / Les Éditions Cybérie, 1999, 2000

Le Télégramme


Le dernier sous-marin a quitté Keroman


LORIENT (56). Une émotion perceptible mais aucun faste particulier : Lorient a vu partir hier son dernier sous-marin, la « Sirène », de type Daphné. Une page d'histoire locale s'est définitivement tournée. Avant qu'une autre - la reconversion de l'imposante base de Keroman - ne s'ouvre.

Adieu la « Sirène »

Le glas avait sonné début juillet 1995 sur l'escadrille des sous-marins de l'Atlantique (ESMAT), avec le départ pour Brest des quatre bâtiments de type Agosta (Agosta, Ouessant, Bévéziers et La Praya).

Cette fois, donc, c'en est fini de la sous-marinade à Lorient. Hier, la « Sirène » a quitté l'arsenal principal après avoir subi une ultime IPER (indisponibilité pour entretien et réparation) à la base de Keroman.

Le sous-marin participera pendant un mois à un exercice au sein de la Force d'Action Navale en effectuant deux escales (au Maroc et en Espagne) avant de rejoindre Toulon, où il sera mis en réserve pour être proposé à la vente.

Après 50 ans d'activité, l'imposante base des sous-marins de Keroman, construite par l'organisation Todt durant la seconde guerre mondiale, n'attend plus que de nouveaux locataires. Mais, c'est une autre histoire...

Roland Fléjeo

Avec le départ de la « Sirène », hier, une page d'histoire lorientaise s'est tournée. (Photo Claude Prigent)

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Informations générales

Le mystère de la Minerve enfin élucidé ?

Récemment créé, un site Internet entièrement consacré au sous-marin disparu en 1968 au large de Toulon, avec à son bord 52 hommes d'équipage, affirme que le tragique naufrage serait du à une erreur de conception du schnorchel

Sur le Web, plus de trente ans après le drame, une explication à la disparition du sous-marin, en 1968 au large de Toulon, avec à son bord 52 hommes d'équipage.

 

Saura-t-on un jour ce qu'il est réellement arrivé au Koursk, ce sous-marin nucléaire russe qui, depuis le 12 aout dernier, git en mer de Barents par 108 mètres de profondeur ? Rien n'est moins sur. Et la lettre manuscrite, retrouvée dans la poche de l'un des quatre corps remontés à la surface mercredi, nous indique simplement qu'au moins une vingtaine de marins ont survécu bien après le naufrage du submersible.

Mais les Russes, peu enclins il est vrai à communiquer sur leur armement, n'ont pas le monopole de la « discrétion ». Et en matière de sous-marins perdus corps et biens, on attend toujours en France de connaitre par exemple les causes de l'accident ayant entrainé la disparition de la Minerve...

Trente-deux ans après la tragédie survenue au large de Toulon le 28 janvier 1968, la Marine nationale, s'appuyant derrière le fameux « secret défense », n'a en effet toujours pas rendu public le résultat de ses investigations.

Une explication à ce drame, encore très présent dans la mémoire des Toulonnais, est toutefois récemment apparue au grand jour sur Internet (1) !

La Minerve en Italie, dans le port de Tarente, en 1964.

Photos du site Internet

Si l'on en croit les informations contenues dans un site entièrement consacré au sous-marin en question, et largement reprises dans l'édition de Libération datée du lundi 23 octobre, « l'accident a été provoqué par une erreur de conception du sous-marin. »

Selon le créateur du site, Jean-Alain Autret, qui n'est autre que le fils de René Autret, ancien marin de la Minerve, disparu en mai dernier mais qui, durant toutes ces années, a précieusement « gardé dans une petite sacoche tous les documents sur l'affaire », le sous-marin aurait en effet coulé en embarquant trop d'eau par son schnorchel, ce tube à air qui, en immersion périscopique, permet le bon fonctionnement du moteur diesel utilisé pour la propulsion des submersibles dits classiques.

Et de donner plus de détails, en rappelant les conditions météorologiques dans lesquelles a eu lieu l'accident.

En ce 28 janvier, la Minerve doit participer, avec un avion de type Bréguet Atlantic, à un exercice de lutte anti sous-marine. Lorsqu'au petit matin, elle entre en contact radio avec l'avion en question, le mistral souffle à plus de 100 km/h en rafales. La mer est très forte. Obligée de rester en immersion périscopique pour les besoins de l'exercice, la Minerve se fait copieusement ballotter par les vagues, et ses aériens (périscope, antenne radio et schnorchel) sont sans cesse submergés.

« Pour éviter que l'eau de mer ne pénètre dans le sous-marin, un clapet de tête ferme automatiquement le tube à air à chaque fois qu'une vague arrive. Un système ingénieux qui fonctionne grâce à des électrodes... Mais cette fois, le système fonctionne mal. C'est une avarie courante à bord des sous-marins du type de la Minerve raconte un marin. L'eau s'engouffre dans le tube et descend directement dans la cale aux auxiliaires. »

Il suffit alors de mettre en marche une pompe pour refouler l'eau et de fermer manuellement la coupole du schnorchel. Une opération apparemment facile sauf « lorsque le flux d'eau est trop important et que la pression empêche de refermer manuellement la coupole. Ou qu'un bout de bois flottant vienne par exemple se coincer sous la coupole » découvre-t-on sur le site Internet.

Deux hypothèses loin d'être saugrenues puisqu'un accident de ce type à bord du Flore, un sous-marin de type « Daphné » comme la Minerve, sera évité de justesse le 19 février 1971. Cet accident, survenu après la disparition de l'Eurydice le 4 mars 1970, amènera même la Marine nationale à « installer une grille de protection sur le clapet de tête et surtout un système hydropneumatique permettant de refermer la coupole, là où les muscles de l'équipage ne suffisaient manifestement pas. »

Cette modification mettra fin aux incidents de schnorchel sur les sous-marins de type « Daphné »...

(1) http ://s.m.minerve.free.fr

Dimanche 29 Octobre 2000

Tous droits réservés - © Nice-Matin

 

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En France aussi, des sous-marins ont fait naufrage en toute opacité.
Fatale immersion
La Marine nationale n'a jamais rendu publiques ses conclusions sur la disparition en mer de «la Minerve». Secret défense. Trente-deux ans après, des témoignages permettent d'établir que le sous-marin a coulé à cause d'une erreur de conception.

Par JEAN-DOMINIQUE MERCHET

Le lundi 23 octobre 2000

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Le site de la Minerve, réalisé en hommage au sous-marin français disparu au large de Toulon avec ses 52 hommes d'équipage en 1968.



Cinq autres accidents de sous-marins français

30 mars 1994: explosion d'une conduite de vapeur à bord du sous-marin nucléaire d'attaque Emeraude, qui parvient à regagner Toulon. Dix morts.

20 août 1970: En surface devant Toulon, la Galatée percute un sous-marin sud-africain. Quatre morts.

4 mars 1970: L'Eurydice disparaît en Méditerranée. Cause inconnue. 57 morts.

25 septembre 1952: la Sybille, un ancien sous-marin anglais, coule au large de Toulon. Cause inconnue. 46 morts.

5 décembre 1946: l'U-2326, un ancien sous-marin allemand, disparaît en Méditerranée. 21 morts.

 

Il est une heure du matin dans le port de Toulon. C'est l'hiver. Dans la rade des Vignettes, l'eau froide vient clapoter contre la coque noire de la Minerve, alors que le lieutenant de vaisseau Merlo débarque. L'officier quitte le bord du sous-marin, sa mission d'entraînement terminée. Il laisse derrière lui cinquante-deux hommes d'équipage qui ne dormiront guère cette nuit. Leur dernière nuit. En ce 28 janvier 1968, la Minerve repart immédiatement vers sa zone d'exercice, au large de Toulon. Quelques heures plus tard, le sous-marin va disparaître. On ne l'a jamais retrouvé.

Bien avant le naufrage du Koursk, la Marine française a, elle aussi, connu la tragédie qui guette toutes les «sous-marinades» du monde. Et pas plus que la Flotte russe, elle n'a pratiqué la transparence. Pourquoi ce sous-marin, à la pointe de la technique des années 60, a-t-il coulé ? Trente-deux ans après le drame, c'est toujours un secret défense. La Marine nationale n'a jamais rendu public le résultat de ses investigations. Les rapports de l'époque, qui dorment sur les rayonnages du service historique de la Marine, ne seront pas accessibles avant 2018, cinquante ans après les faits. Quant aux restes du submersible, jamais vraiment localisés, ils reposent toujours par 2 000 mètres de fond.

Grâce aux témoignages d'anciens sous-mariniers, nous pouvons aujourd'hui reconstituer les faits et conclure que l'accident a été provoqué par une erreur de conception du sous-marin. L'un de ces marins, René Autret, est mort en mai dernier. Ancien de la Minerve, revenu à la vie civile, il gardait dans une petite sacoche tous les documents sur l'affaire. Un fonds d'archives qui serait resté confidentiel sans la décision de son fils Jean-Alain de créer un site sur l'Internet (1) et qui corrobore d'autres récits faits sous couvert de confidentialité.

En sortant de la rade, cette nuit-là, la Minerve met le cap au sud-sud-est. Les grands fonds commencent aussitôt. C'est une particularité de la côte méditerranéenne à cet endroit: l'absence quasi totale de plateau continental. A peine a-t-on dépassé le cap Sicié que les bateaux se retrouvent avec 1 000 mètres d'eau sous la quille. Là où se rend la Minerve, à 12 miles nautiques (22 kilomètres) du cap, le fond est déjà à au moins 2 000 mètres.

7 h 15, exercice de lutte anti-sous-marine

Lorsque le jour se lève, il fait très mauvais. Le mistral souffle du nord-ouest avec des rafales de 100 km à l'heure. La Minerve est en plongée. Dans une mer formée (force 5 à 6), c'est plus confortable pour l'équipage. En surface, un sous-marin de 800 tonnes a tendance à se comporter comme un bouchon. Rien à voir avec les sous-marins géants d'aujourd'hui, comme le Koursk, qui sont vingt fois plus lourds.

La Minerve a rendez-vous avec un avion pour un exercice de lutte anti-sous-marine. Un Bréguet Atlantic, qui a décollé de la base aéronavale de Nîmes-Garons, arrive sur zone vers 7 h 15. Un premier contact radio entre l'avion et le sous-marin est établi à 7 h 19. La Minerve est en immersion périscopique. C'est-à-dire qu'il navigue suffisamment près de la surface pour qu'il puisse sortir son périscope, ses antennes radio et son schnorchel, un tube qui permet l'évacuation des gaz d'échappement et l'arrivée d'air frais (2).

Son antenne est sans cesse mouillée par les vagues. Très vite, il y a de la friture sur la ligne et, à bord de l'Atlantic, le radionavigant prévient son chef - le lieutenant de vaisseau Queinnec - qu'il a des difficultés à garder le contact. A 7 h 37, le sous-marin confirme que ses difficultés de transmission sont causées par l'état de la mer. Huit minutes plus tard, l'avion revient et annonce qu'il va même annuler sa dernière vérification radar. Il est 7 h 55 lorsque le sous-marin lui répond: «Je comprends que vous annuliez cette vérification. M'avez-vous entendu?» «Je vous ai entendu», répond l'Atlantic. On n'entendra plus jamais la Minerve.

Sur le moment, personne ne s'inquiète. Pendant une dizaine de minutes, l'Atlantic tente de joindre le bateau. Sans succès. Il met alors le cap sur Nîmes, convaincu que le sous-marin ne peut tout simplement plus se maintenir en immersion périscopique à cause de la tempête. Banal. A 11 heures, au moment du changement de quart au commandement des sous-marins en Méditerranée, dans le port de Toulon, un message est envoyé à la Minerve: «Annulation des exercices en raison de la météo. Vous reprenez votre liberté de manœuvre.» Pas de réponse. Mais toujours pas d'inquiétude. Des difficultés de transmission par gros temps ne surprennent personne. La technologie d'alors est plus proche de celle des U-Boot allemands de 1939-45 que des submersibles d'aujourd'hui.

Clapet bloqué

On attend la Minerve à Toulon pour 21 heures. Mais - c'est l'usage - le commandant a une latitude de plus ou moins quatre heures pour rentrer au port. A minuit, pas de bateau. A une heure, le délai est dépassé. A la première escadrille, le lieutenant de vaisseau Vinot prévient son chef. Il faut attendre 2 h 15, le 28 janvier, pour que la procédure «Recherche de sous-marin» soit déclenchée. Depuis le dernier contact radio avec la Minerve, dix-huit heures et vingt minutes se sont écoulées.

Que s'est-il passé au petit matin du 28 janvier? Le commandant Fauve «rase les pâquerettes» en maintenant son bâtiment en immersion périscopique. Les vagues, qui noient l'antenne radio, recouvrent aussi le schnorchel. Pour éviter que l'eau de mer ne pénètre dans le sous-marin, un «clapet de tête» ferme automatiquement le tube à air chaque fois qu'une vague arrive. Un système ingénieux qui fonctionne grâce à des électrodes, mais très désagréable pour les oreilles de l'équipage. Car ces fermetures incessantes provoquent des variations de la pression atmosphérique à bord. Surpression, dépression : les tympans souffrent. Mais cette fois, en plus, le système fonctionne mal. «C'est une avarie courante» à bord des sous-marins du type de la Minerve, raconte un marin. L'eau s'engouffre dans le tube et descend directement dans la «cale aux auxiliaires». On met alors en marche une pompe pour refouler l'eau. Rien de grave, à condition que l'on parvienne à fermer le tube à air. La manœuvre est classique: un officier marinier, le «maître de centrale», tire sur une manette pour fermer la coupole. C'est ce que disent les instructions. Ce qu'elles ne disent pas, c'est ce qu'il faut faire si le flux d'eau est trop important et que la pression empêche de refermer manuellement la coupole. Ou qu'un morceau de bois flottant vienne par exemple se coincer sous la coupole.

Il faudra attendre un accident similaire - cette fois-ci évité de justesse - à bord d'un sous-marin du même type, la Flore le 19 février 1971, pour que la Marine se décide à installer une grille de protection sur le clapet de tête et surtout un système hydropneumatique permettant de refermer la coupole, là où les muscles de l'équipage ne suffisaient manifestement pas. La cause de l'accident est identifiée et confirmée par un nouveau problème de fermeture de la coupole sur la Vénus. Depuis lors, plus aucun incident de schnorchel ne fut signalé sur les sous-marins du type Daphné, comme la Minerve. Ces sous-marins souffraient d'un autre problème de conception, lié à la pression dans la barre de plongée en cas de fuite. C'est ce qui permet au submersible de plonger et surtout de refaire surface... La Marine le savait et les modifications étaient d'ailleurs programmées. Mais trop tard pour la Minerve...

«Ils acceptaient d'avance le sacrifice»

Il ne reste qu'à imaginer l'eau qui envahit les cales et gagne le reste du bateau. Car dans ces petits sous-marins, il n'y a pas de portes étanches pour arrêter le flot. L'équipage qui tente de «chasser» tout ce qu'il peut. Très vite, le sous-marin s'alourdit et coule vraisemblablement par l'arrière. On largue les plombs de sécurité, mais la descente s'accélère. Vers 300 mètres, la coque commence à fuir: sur chaque centimètre carré, la pression est de 30 kg. A 600 mètres, l'eau a sans doute totalement envahi la Minerve. Les cinquante-deux hommes n'entendront pas les derniers craquements, lorsque la coque finira par imploser. En dépit de son jeune âge, l'équipage va laisser derrière lui dix-sept veuves et vingt-huit orphelins. Et cinquante-deux familles en deuil.

L'équipage: sur la dernière photo prise à bord quelques jours avant le drame (ci-contre), on voit une bande de gamins, âgés de 20 à 25 ans, qui se serrent les uns contre les autres pour entrer dans l'objectif. Le matelot Coustal, un électricien de Narbonne, a mis des lunettes de soleil et rejeté son béret en arrière. A ses côtés, le quartier-maître mécanicien Lambert se marre. Devant lui, le quartier-maître Helmer - l'un des trois radios du bord - se tient le menton, pensif. Sans doute, songe-t-il à sa jeune épouse en Moselle. Ils sont tous volontaires pour servir dans les sous-marins, l'élite de la Marine. Beaucoup font leur service militaire. René Autret n'est pas sur la photo, il a changé d'affectation. Edmond Rabussier, non plus, n'est pas sur la photo. Mais lui embarque au dernier moment pour remplacer un matelot. C'était sa première plongée.

Lancées le 28 janvier à 2 h 15, les recherches sont suspendues le matin du 2 février. Seule une nappe d'hydrocarbure est repérée dans le secteur. Il faudra attendre les années 80 pour que des détecteurs américains parviennent à repérer des morceaux d'un navire gisant par deux mille mètres de fond et répartis sur plusieurs kilomètres carrés. Ce pourrait être la Minerve.

A Toulon, la Marine organise une grande cérémonie militaire et religieuse à la mémoire de l'équipage. Le général de Gaulle se déplace. Son allocution est glaçante: «Des marins sont morts en mer. Ils étaient des volontaires. C'est-à-dire qu'ils avaient d'avance accepté le sacrifice...» Circulez! A l'époque, personne ne bronche. Aujourd'hui, d'anciens marins dénoncent «la chape de plomb», le «blocage intellectuel»... «On disait que nos sous-marins étaient parfaitement sûrs en plongée. Même lorsque la Minerve disparut, cette confiance ne fut pas ébranlée», note l'un d'eux.

Impossible dans la France gaullienne de mettre en cause un tel programme d'armement, «Grandeur» oblige. Les sous-marins de la classe Daphné permettaient à la Marine de se passer des anciens U-Boot allemands dont elle était équipée depuis la Libération. Avec onze bateaux, les Daphné forment alors l'ossature de la chasse sous-marine et se vendent comme des petits pains à l'étranger (Portugal, Espagne, Pakistan, Afrique du Sud). D'ailleurs, dès la fin de la cérémonie en hommage à l'équipage de la Minerve, le général de Gaulle embarque à bord d'un sous-marin du même type et s'en va plonger face à Toulon. Le bâtiment qui accueille le chef de l'Etat est l'Eurydice. Il disparaîtra à son tour au large de Saint-Tropez, le 4 mars 1970. Comme pour la Minerve, on ne connaît toujours pas officiellement les causes de cet accident.

(1) (http://s.m.minerve.free.fr)

(2) Le schnorchel est en usage quand les sous-marins utilisent leurs moteurs Diesel. En plongée profonde, la propulsion est assurée par des batteries électriques.


 

 

 

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  cols bleus mois de décembre

Nice matin du 05 janvier 2001

 

Paru dans "Cols Bleus"
n° 2514 du 22/01/2000

 

L'avenir du sous-marin Par l'ingénieur Laurent Letot
La place actuelle du sous-marin dans les grandes fonctions de la Défense résulte de problèmes analysés et identifiés qui restent pertinents dans un délai raisonnablement prévisible, c'est à dire 2015. Notre flotte sous-marine est en pleine reconstruction, la plupart des unités que nous concevons ou que nous construisons aujourd'hui seront en service largement au delà de cette date. Quels sont les critères qui pourraient faire évoluer nos forces sous-marines dans leurs missions, leur format ou leurs équipements ? Tendances.

 

L'une des deux dimensions essentielles de notre stratégie de Défense est la dissuasion. Il s'agit de préserver nos intérêts vitaux contre toute atteinte en sachant exercer, en permanence et sans faille, une menace de représailles telle qu'elle fasse renoncer tout agresseur potentiel. La Marine nationale, avec ses SNLE, a déjà une longue expérience de cette mission. Leur mise en œuvre, en toute sécurité, exige de leur garantir le libre accès à la base opérationnelle, d'assurer leur sûreté à la mer et de fournir les moyens nécessaires aussi bien à la bonne exécution de leur mission qu'à leur entraînement et à leur mise en condition. La contribution est fournie par des moyens aériens, de surface et sous-marins. Le SNA y joue un rôle indispensable. Ses capacités de connaissance du milieu sous-marin et d'accumulation d'expériences sont essentielles pour garantir la sûreté des SNLE.


La place du sous-marin aujourd'hui

Le SNA joue aussi un rôle essentiel dans l'autre dimension de notre stratégie de Défense : l'action.
Agir , c'est d'abord essayer de prévenir et contrôler les situations qui risquent de dégénérer en conflit. L'efficacité repose sur la capacité d'assurer sur zone, indépendamment de tout problème de souveraineté, une présence qui permet de suivre en continu et de près l'évolution d'une crise. Dans certaines circonstances, une présence ostensible grâce aux bâtiments de surface est nécessaire, mais dans d'autres cas une présence discrète, et par là génératrice d'incertitudes, grâce aux sous-marins sera plus appropriée.
Agir, c'est ensuite la capacité de mettre en œuvre une force de projection. La contribution des sous-marins d'attaque peut couvrir toute la durée du déploiement et l'espace maritime qui va du port de départ jusqu'à la zone d'opérations. Elle s'exécute dans un cadre national ou au sein d'une force interalliée, dans des situations de crise ou d'hostilités ouvertes. Les modes d'action peuvent donc prendre des formes diverses :
- Action autonome du sous-marin : ralliement rapide et discret d'un théâtre lointain, recueil discret de renseignements, patrouille dans des grandes zones où la menace air, surface ou sous-marine est importante, mise en œuvre si nécessaire d'une forte puissance destructrice contre les bâtiments de surface ou les sous-marins.
- Soutien du groupe aéronaval : détection et pistage, voire destruction des éléments adverses, surface et sous-marins, à distance variable du groupe aéronaval dans lequel le sous-marin d'attaque s'intègre de façon plus ou moins serrée, selon ses capacités techniques de liaisons et d'identification.
- Interdiction de zone : aptitude du sous-marin à assurer avec toute la progressivité requise une interdiction de zone maritime, jusqu'à l'interdiction physique de toute pénétration. Au cours du conflit au Kosovo, les SNA français, qui se sont relayés devant les bouches de Kotor, ont eu une action déterminante au sein du dispositif allié en bloquant au port les forces maritimes yougoslaves, tout en constituant une source de renseignements précieux pour l'ensemble des forces maritimes alliées. Ils ont ainsi joué un rôle de premier plan pour empêcher les forces serbes d'étendre le conflit sur mer.
- Opérations spéciales : renseignement, opérations d'agents ou de commandos, mise en œuvre de nageurs de combat, mouillage de mines.


Les facteurs d'évolution

Aujourd'hui, l'ensemble des moyens sous-marins répond convenablement aux grands axes stratégiques définis pour notre système de défense. Quels sont les critères qui pourraient amener à faire évoluer ou adapter nos forces sous-marines dans leurs missions, leur format ou leurs équipements ?
Les facteurs géopolitiques qui pourraient entraîner, dans le long terme, une évolution sur la stratégie de dissuasion dépassent largement le sujet de l'article. Il est cependant évident que les évolutions de la prolifération de l'arme nucléaire, de la crédibilité des vecteurs ou de l'opinion publique auront de fortes répercussions dans un sens ou un autre sur le format de notre force sous-marine. Quel est l'impact des évolutions géopolitiques sur notre stratégie de l'action ? La localisation des foyers de crise n'aura probablement pas de conséquences majeures ; ceci s'explique parce que nos sous-marins d'attaque ont une véritable dimension océanique. Plus importante est sans doute l'évolution de la nature des conflits vers les eaux continentales et ses conséquences sur les équipements de nos sous-marins. Mais ce qui apparaît déterminant, ce sont les évolutions de la construction européenne et le poids des organisations internationales. Cette évolution donnera le plus souvent un caractère interarmées et interalliés à nos engagements, dimensionnant en termes d'interopérabilité de nos sous-marins d'attaque à la fois dans le domaine de matériels mais aussi pour ce qui est des doctrines d'emploi.
Un autre critère fondamental concerne les caractéristiques propres au milieu marin dont le sous-marin tire tout son avantage :
- Le statut juridique permettant de maintenir, indépendamment de toute base terrestre, une capacité permanente de surveillance, d'interdiction de zone ou, si besoin est, d'intervention rapide. Le statut de la mer n'évolue pas notablement malgré les tentatives de certains Etats ou organisations internationales pour nationaliser ou dénucléariser les espaces maritimes. Il semble que cette situation juridique favorable aux sous-marins soit destinée à durer.
- L'opacité, du moins au-delà de distances relativement faibles, à tout autre chose que les ondes acoustiques. Toutes les études effectuées jusqu'ici tendent à confirmer que les sous-marins devraient rester, à terme, les plus discrets des véhicules militaires, les procédés de détection non acoustique (radar, infrarouge, laser, magnétisme, …) ne devraient jamais dépasser des portées très réduites. En acoustique, la détection passive atteint ses limites, le retour de détection par sonar actif à très basse fréquence nécessitera, par contrecoup, d'améliorer la furtivité de nos sous-marins ou de développer des contre-mesures. Cependant, même si les systèmes de détection sont susceptibles d'évoluer quelque peu, on peut sans grand risque admettre que l'opacité de la mer, résultant des lois de la physique est vouée à durer. Le sous-marin restera pour longtemps encore un objet très difficile à détecter.
Enfin, il faut considérer l'évolution des menaces. Le facteur nouveau à prendre en compte est lié à la prolifération d'armements plus ou moins sophistiqués jusqu'alors accessibles aux seules grandes puissances :
- Certains pays, qui ne sont pas des puissances navales traditionnelles, accéderont à des armes suffisantes pour menacer nos bâtiments de combat et même directement nos sous-marins. Le nombre des sous-marins à propulsion anaérobie va grandissant. Ce mode de propulsion n'en est encore qu'à ses débuts, mais des progrès significatifs sont prévisibles, notamment en matière de batteries et de piles à combustible. Ils permettront aux sous-marins d'atteindre des durées de séjour en plongée profonde de deux à trois semaines, mais en ne se déplaçant qu'à vitesse très modérée. Ils seront le plus souvent employés dans les eaux côtières ou les conditions de détection sous-marine sont extrêmement difficiles.
- La prolifération de torpilles de tous types va considérablement amplifier le danger et compliquer l'autodéfense en raison de leur diversité. De même, la mine, en raison de son excellent rapport efficacité/coût, représente une menace qui peut rendre difficile le travail des sous-marins engagés près des côtes.


Les conséquences, à long terme, pour nos sous-marins

L'avenir d'un système de dissuasion repose sur sa crédibilité. Les plates-formes sous-marines resteront encore pour longtemps la solution préférentielle tant que la discrétion des porteurs restera crédible. Avec la nouvelle génération de SNLE, elle atteint un niveau marquant une rupture avec la génération précédente. Mais, même si l'évolution des moyens d'investigation du milieu sous-marin ne laisse pas apparaître de signes de rupture, la discrétion devra cependant être soigneusement entretenue.
Quand aux sous-marins d'attaque, on connaît leur importance actuelle pour le soutien de la dissuasion. Il n'y a pas d'indices qui nous permettent de penser que cette situation pourrait évoluer. Tout pays détenteur de sous-marins stratégiques devra continuer à disposer de sous-marins nucléaires d'attaque.
L'évolution majeure du sous-marin d'attaque concerne les missions de prévention et de projection. L'éventail des situations futures est très ouvert; les sous-marins d'attaque devront donc être aptes à réaliser une large gamme de missions dans des lieux géographiques très divers. Il leur faudra un système de combat interopérable et un armement diversifié. En plus des moyens de lutte anti-surface et anti-sous-marine, les sous-marins devront être dotés de systèmes d'armes offensives permettant des frappes en profondeur vers la terre.
L'utilisation des missiles de croisière dans les conflits récents a montré tout l'intérêt de ce type d'arme. Ici se pose la question de la complémentarité des différents porteurs aériens et maritimes pour la mise en œuvre des armes anti-terre. Chaque porteur présente des avantages et des inconvénients. La plate-forme sous-marine est probablement la solution la plus appropriée quand le bâtiment de surface ou l'avion est trop vulnérable dans le rayon d'action du missile qu'il met en œuvre. En amont des conflits, la présence " cachée " du sous-marin équipé de missiles de croisières est susceptible de faire peser une menace forte sur l'adversaire potentiel. Si le niveau de crise conduit à l'action, le sous-marin est idéal quand il est nécessaire d'appliquer un effet de surprise. Cet effet de surprise permet par exemple d'attaquer et de détruire des objectifs non préparés à leur défense. De plus, la capacité du sous-marin de se rapprocher au plus près des objectifs et de se placer dans la configuration de lancement la plus favorable pour éviter les contraintes de terrain, augmentent la survivabilité du missile de croisière et donc les chances de succès du tir. Malgré la capacité d'emport limitée qui le restreint à des frappes de précision, le sous-marin d'attaque sera un formidable outil de soutien d'actions vers la terre.

Indispensable interopérabilité

Nous avons vu qu'une évolution majeure concerne la nature de nos engagements, qui seront pour la plupart, interarmées et interalliés. L'interopérabilité apparaît donc indispensable. Sa prise en compte, déjà bien engagée, sera renforcée. Par exemple, les liaisons automatiques de données tactiques, aujourd'hui limitées à la seule réception, seront renforcées. Les sous-marins d'attaque futurs disposeront de télécommunications à haut débit assurant la fusion des donnés avec les autres plates-formes de surface et aérienne. Il y a là une véritable révolution culturelle, qui bouleverse quelque peu le mythe du sous-marin " corsaire " solitaire.
Et la propulsion ? Le sous-marin d'attaque lorsqu'il est nucléaire bénéficie d'une totale liberté de déploiement, d'une autonomie considérable en plongée et de la possibilité d'atteindre des grandes vitesses. Cela lui confère une forte mobilité stratégique et tactique qui en font un outil très puissant de maîtrise d'une zone maritime. Il est capable, par exemple, de rallier de façon totalement discrète un théâtre d'opération lointain (il lui faut environ 25 jours pour gagner le nord de l'Océan Indien par le sud de l'Afrique) et d'y opérer pendant plusieurs semaines avant de rentrer soit en métropole par le même chemin, soit vers un point d'appui où il vient ravitailler avant de reprendre sa mission. Le sous-marin à propulsion diesel-électrique possède les caractéristiques intrinsèques d'un sous-marin, mais, à la différence du SNA, il ne bénéficie ni d'une forte autonomie en plongée profonde, ni d'une grande vitesse ; sa capacité à se déployer loin et de façon autonome est moyenne, sa mobilité tactique est faible et sa discrétion, excellente en plongée profonde, pâtit de l'obligation de recharger ses batteries à l'aide d'un moteur diesel à l'immersion périscopique. Les procédés "anaérobies" de fourniture d'énergie qui commencent à entrer en service, vont améliorer la capacité du sous-marin classique à demeurer en plongée profonde. Mais, même à long terme, ils ne pourront rivaliser avec le sous-marin nucléaire d'attaque dès qu'il s'agit de déploiements à grande distance, du pistage et de l'attaque d'une force navale, d'un sous-marin ou d'opérations en soutien d'un groupe aéronaval, autant de tâches opérationnelles qui incombent à une Marine à vocation hauturière. .

Un outil essentiel de défense

La première plongée du Nautilus a été la concrétisation de 60 ans de recherches pour faire enfin un vrai sous-marin qui vit dans le milieu et non un submersible qui survit sous l'eau en apnée. Cette rupture en a fait, et continuera à en faire, un outil essentiel de défense. Le sous-marin stratégique devrait assez peu évoluer sinon dans sa conception, du moins dans son emploi. Quant au sous-marin nucléaire d'attaque, il se révélera certainement un outil fabuleux de contrôle de vastes espaces maritimes. C'est à ce titre qu'il aura vocation à participer de plus en plus, avec les autres composantes de la Marine, à l'ensemble des opérations de prévention et de projection dont il est devenu d'ores et déjà une pièce essentielle.

 

 

Jean-Paul Nadeau

    Fin de l’ultime campagne du sous-marin « Ouessant »

Pour la première fois depuis 20 ans, les deux goélettes de la Marine nationale font route vers la Méditerranée pour une grande campagne de promotion de la Royale dans les ports du Midi. Pendant qu’ils embouquaient le goulet, les voiliers ont croisé hier matin le sous-marin « Ouessant » qui rentrait de son dernier déploiement avant d’être désarmé. Entrant en rade, le sous-marin « Ouessant », de retour de la dernière campagne de sa carrière, croise les deux goélettes en partance pour la Méditerranée où elles vont passer l’été.

                          

                                                                    (Photo MTS Bonnin/Marine nationale)

Après 23 ans de service, le « Ouessant », dernier sous-marin à propulsion classique (diesel-électrique) de la Marine, sera désarmé le 13 juillet et placé en réserve spéciale. Les marins espèrent qu’il sera revendu avec le « La Praya » à une marine étrangère. Il pourrait s’agir de la Malaisie qui a fait connaître son intérêt pour ces bâtiments. Deux de ses sous-mariniers ont d’ailleurs embarqué sur le « Ouessant » durant cette campagne. « Ils auront pu constater la compétitivité de notre bâtiment, notamment lors de l’exercice de lutte anti sous-marine auquel nous avons participé avec un Agosta espagnol plus récent », se félicite le CC Philippe Laurent, pacha du sous-marin. L’ultime déploiement du sous-marin d’attaque, entamé le 6 mars dernier, s’est achevé hier sans gros pépin technique, « alors que l’échéance d’IPER, c’est-à-dire la date butoir pour un grand carénage, était dépassée depuis l’été dernier en raison du désarmement fixé cette année ». Au cours de ce périple de 7.000 nautiques, les plages de repos ont été nombreuses avec pas moins de huit escales et 30 jours à quai contre 410 heures en plongée en 39 jours de mer. Les 63 sous-mariniers ont ainsi rendu visite à La Valette (Malte), Alexandrie (Egypte), Larnaka (Chypre), La Sude, Corfou (Grèce), Tarente (Italie), Carthagène et Cadix (Espagne). Cette dernière escale a donné lieu à un exercice avec la « Jeanne d’Arc » et le « Georges Leygues » en transit vers Brest.

Les goélettes parties pour cinq mois Alors qu’il entrait en rade, le « Ouessant » a croisé « l’Etoile » et la « Belle Poule » en partance pour une longue campagne de cinq mois en Méditerranée. Salués une dernière fois par leur amiral (le CA Van Huffel qui a fait un petit bout de chemin avec eux), les deux équipages ont mis le cap sur Viana do Castello au Portugal qu’ils rallieront le 18 mai. Puis, ce sera la grande bleue avec plusieurs escales au Maroc et en Espagne, puis une petite trentaine de haltes durant tout l’été dans les ports du Golfe du Lion, de la Côte d’Azur, de Corse et d’Italie. Enfin, les deux voiliers participeront à trois événements nautiques prestigieux : Monaco Classic Week, Régates royales de Cannes et Voiles de Saint-Tropez.

Fabien Roux

15/05/2001

 

 

Bonjour à tous,

Le S.M.D. "OUESSANT" en exercice d'évacuation dans la rade de Brest...

Cordialement..

Jean-Paul Nadeau ( A.G.A.A.S.M. section "Minerve" )

                                

« On se sent comme un homme canon, comme si l’on sautait en parachute sans parachute. On n’a pas le temps d’avoir peur », a indiqué un sous-marinier parvenu à la surface.

                                                                                              (Photo Eugène Le Droff)

 

Sous-marin en détresse : l’équipage se jette à l’eau pour un exercice

Le 12 août dernier, le « Koursk » emportait par 108 mètres de fond en mer de Barents 118 sous-mariniers russes. Une tragédie que la Marine nationale ne voudrait jamais connaître. Pour cela, elle organise chaque année des exercices d’évacuation. Hier, il avait lieu en rade de Brest à partir du sous-marin « Ouessant ».

11 h 50, dans une gerbe d’eau, le premier sous-marinier fait surface. Allongé sur le dos, dans sa combinaison de survie orange fluo, il lève le bras pour signaler que tout va bien. Il est immédiatement embarqué à bord d’un canot pneumatique. Direction le « Styx » (bâtiments de soutien aux plongeurs démineurs), qui mouille à proximité, où il est examiné par un médecin. Homme canon Opération réussie. Le maître sous-marinier Eric De Leeuw raconte : « C’était très rapide. Moins de dix secondes. On se sent comme un homme canon, comme si l’on sautait en parachute sans parachute. On n’a pas le temps d’avoir peur. L’appréhension, c’est plutôt avant ». Avant, c’est l’attente dans le local de survie où les 65 hommes d’équipage s’étaient regroupés. Le sous-marin d’attaque « Ouessant » simulant une grave avarie reposait par 27 mètres de fond entre l’Ile longue et la pointe des Espagnoles. Pour l’exercice, douze hommes devaient quitter le bâtiment. Les consignes sont précises. Le sous-marinier s’enferme dans un des deux sas de secours. Il le remplit d’eau et équilibre la pression d’immersion de sa combinaison. Toutes les cinq secondes, il tape sur la paroi avec un boulon pour signaler que tout va bien. Le sas s’ouvre automatiquement quand il est plein et le sous-marinier remonte à la surface « comme une bulle », sans palier de décompression ni assistance respiratoire. Cet exercice, qui a lieu chaque année, a pour but de valider en conditions réelles les procédures d’évacuation individuelle (possible jusqu’à 180 m), commune à tous les types de sous-marin français. Le reste du temps, les sous-mariniers se forment au Centre d’entraînement de sauvetage individuel (Cesi) à l’Ile Longue dans une tour de 10 mètres. Accords avec les Etats-Unis Pour des évacuations collectives à plus de 180 mètres, la Marine nationale ne possède pas de sous-marin de sauvetage (DSRV). Les Américains, les Anglais, les Suédois et Italiens sont équipés. La France a passé des accords avec les Etats-Unis. Si nécessaire, elle peut obtenir rapidement un DSRV, transportable par avion. Un projet européen (allemand, anglais, turc, français) de construction de sous-marin de sauvetage est à l’étude. Il faut rappeler que la France n’a pas connu d’accident de sous-marin depuis la disparition du « Minerve », le 26 janvier 1968. Joël Picart

 

 

Article paru dans le Télégramme de Brest le 30 Mai 2001
Le Télégramme

Sous-marins classiques : la dernière plongée du « Bévéziers »...


BREST (29). - Le « Bévéziers » plongera une fois encore en Mer d'Iroise aujourd'hui avec ses anciens commandants, dont le capitaine de frégate Pierre Landiech, dernier pacha, et le capitaine de vaisseau Jean-Marc La Marle, commandant du groupe, avant de rendre les armes, victime de la réduction du format de la Marine. Ce sous-marin diésel-électrique est un des quatre de l'escadrille lorientaise transférés à Brest durant l'été 1995 pour y finir leur carrière à moindre coût, mais après « quelques investissements » d'accueil, alors critiqués par les Morbihannais. Ils auraient voulu garder leurs bateaux jusqu'au bout - 2003-2005 disait-on - pour des raisons affectives et socio-économiques. Ils étaient en service depuis 1977-78.

En fait, l' « Agosta » a été retiré de la flotte en février 1997, juste à l'échéance de son IPER ou période de gros travaux périodiques (un an sur un cycle de six), et conduit dans l'une des alvéoles de l'ex-base sous-marine allemande de Brest dans l'attente d'un éventuel acquéreur. Il y est en réserve, à flot, pour deux ans, assuré d'un minimum d'entretien.

 

La casse ou un autre pavillon

Le même sort attend le « Bévéziers » qui a subi 385.000 heures d'IPER en 1993 à Lorient, et devait être soumis, cette année, à de semblables travaux à l'arsenal brestois. La presque totalité de son équipage - 58 hommes, dont sept officiers - restera à bord jusqu'au 3 avril, date de la dernière rentrée des couleurs. Les opérations de désarmement assez lourdes nécessitent pas mal de main-d'oeuvre. Les marins seront ensuite répartis entre les forces à Brest et Toulon ou les unités à terre.

L'espoir de voir naviguer sous pavillon étranger ces bâtiments-là et les deux autres encore en activité est assez sérieux. Les Agosta ont du succès au Pakistan, en Afrique du Sud, en Espagne... et sont examinés avec intérêt par d'autres pays. Ils peuvent constituer, comme « occases », des produits d'appel ou... de pesée complémentaire pour des commandes d'articles neufs conventionnels, mais perfectionnés.

Le « La Praya » est parti pour une mission commerciale de six mois en Asie (Malaisie, Indonésie, Thaïlande) avec retour à Brest le 4 avril, via l'Egypte. Le temps d'éprouver devant d'éventuels clients les particularités de ces robustes bateaux, longs de 67 mètres et d'une grande discrétion acoustique, déplaçant leurs 1.725 tonnes en plongée à 20 noeuds, pouvant descendre à moins 300 mètres et disposant d'une autonomie en combustible de 20.000 nautiques. Leurs capacités d'emploi va des torpilles 553 aux Exocet 39 anti-navires en passant par les mines.

 

« La Praya » : un sursis ?

Le « La Praya » sera-t-il maintenu en vie active au-delà de 1999, au détriment du « Ouessant », primitivement choisi pour se prêter jusqu'en 2005 à des expérimentations et à l'entraînement des équipages de sous-mariniers ? Une seule IPER est prévue à Brest au profit de l'un ou de l'autre. Pour le « La Praya », 1999 est la date-échéance ; pour le « Ouessant », 2000.

A noter le désarmement, à l'automne prochain, de la « Psyché », dernier spécimen de la série diésel-électrique de type Daphné. Descendue de Lorient sur Toulon en 1996-97 avec la « Sirène », sa congénère (placée en réserve), elle aura servi aux essais de la torpille franco-italienne MU 90.

 

Claude Grandmontagne

Le « Bévéziers », que l'on voit ici à couple du « Ouessant » tout près de l'ancienne base sous-marine allemande de Brest, rejoindra bientôt l'une des alvéoles de cette base. Il y sera en réserve, comme l' « Agosta ».